Adoption en Ethiopie : les réponses aux questions

Les Enfants de Reine de Miséricorde (ERM) a souhaité diffuser un mémo dont l’objet est de répondre à de nombreuses questions qui se posent sur les adoptions en Ethiopie. En effet, c’est 1575 enfants qui ont été adoptés en Ethiopie entre 1988 et 2016. Nous vous invitons à découvrir ce document que vous pouvez aussi télécharger.

Aujourd’hui un grand nombre d’adoptés sont adolescents ou devenus de jeunes adultes. Ils attendent et espèrent des réponses aux nombreuses questions qu’ils se posent sur leur histoire et le fonctionnement de l’adoption. Dans certaines familles le sujet reste sensible. Difficile de confronter ses souvenirs au contenu des dossiers d’adoption sous le regard déstabilisé des parents adoptifs. Un vent de quête de la vérité, s’est même levé au sein de la communauté des adoptés, et l’association ERM souhaite prendre sa part dans les réponses à proposer. Cette quête est une demande légitime de justice. Elle se traduit de différentes façon : groupes Facebook, pétitions, courriers, témoignages, livres.

Par l’usage des réseaux sociaux des jeunes adoptés entrent en contact avec leur famille d’origine. Ils découvrent parfois un père ou, plus souvent, une mère biologique déclarée décédée et pourtant toujours vivante. Cela peut nourrir les doutes, le malaise, la colère… Et nous le comprenons. Des fausses déclarations, donc des mensonges, sont-ils à l’origine d’adoption ?

En Éthiopie, l’abandon n’est pas autorisé par la loi, sauf maladie incurable (Sida en particulier). Faute d’accès à une quelconque aide sociale, une mère en situation de détresse, et en l’absence du père disparu ou décédé, ne sait que faire pour sauver des enfants qu’elle n’est plus capable de nourrir. L’adoption dont elle entend parler lui offre la possibilité de confier son ou ses enfants à une famille étrangère qui lui offrira le confort matériel et la possibilité de faire des études. Elle est aussi influencée par la conception traditionnelle de l’adoption en Éthiopie. Seuls les liens du sang sont reconnus et on ne peut pas imaginer que les enfants puissent aimer et se faire aimer par des parents adoptifs. Elle pense donc qu’elle reverra un jour ses enfants, et peut-être même qu’ils pourront l’aider quand ils seront adultes. Cet espoir la conduit à un geste très souvent douloureux et qui, pour certaines, est aussi un acte d’amour. Un geste qui la contraint à mentir, en se faisant passer pour une autre personne, voisine ou tante éloignée, entraînant ses enfants dans cette fausse réalité. Ces derniers ne peuvent comprendre les enjeux de ce choix, et vivent la rupture de liens le plus souvent sans explication et avec l’espoir de retrouver rapidement leur famille, mère et fratrie. Cela dans un pays où les services sociaux, très démunis, n’ont guère de solution à proposer et ne peuvent tout vérifier. Il faut aussi comprendre qu’après des années de régime politique autoritaire et meurtrier (période du DERG), le mensonge est dans ce pays devenu une défense naturelle pour la survie.

Tout cela n’a été compris qu’au fil des ans. À tous ceux, adoptés, parents adoptifs et proches, qui attendent et espèrent des réponses aux nombreuses questions qu’ils se posent, nous voulons ici apporter des éléments d’information permettant une juste appréciation des réalités et de nourrir les débats légitimes autour de ces questions.

1. Dès les toutes premières adoptions en 1988, les fondateurs, Christine et Gilbert Bayon, ont mis en place des parrainages d’enfants avec la création, dès 1989, des « Amis de Reine de Miséricorde ». Le but : permettre à des enfants, ayant encore une personne pouvant en prendre soin, de manger à sa faim et d’aller à l’école par le versement d’une aide mensuelle.

2. Gilbert s’est rendu très régulièrement en Éthiopie, c’est-à-dire au moins une fois par an, pour visiter nos partenaires et les enfants parrainés. C’est à ces occasions, qu’à partir de la fin des années 90, il a constaté la réalité des histoires en rencontrant des femmes demandant des nouvelles de leurs enfants. Il a alors multiplié ses voyages en s’attachant à rechercher des familles d’origine, souvent à la demande des familles adoptives informées à son retour. Les rapprochements entre adoptés et familles d’origines et la recherche de la vérité, dans le respect des adoptés, est un objectif constant d’ERM. Ces réalités ont été commentées lors des AG annuelles de l’association réunissant les familles.

3. Depuis 2006, Les associations ERM et ARM ont organisé des voyages « retour en Éthiopie » tous les deux ans, à l’exception de la période actuelle de pandémie et de guerre au Tigré. Ces voyages, d’une durée de 3 semaines, permettent au groupe de jeunes adoptés de reprendre contact avec leur pays d’origine par le biais d’un camp à caractère humanitaire et leur permet de prendre ou reprendre des contacts avec leurs familles éthiopiennes, quand il a été possible de les retrouver. Un DVD a été réalisé à l’occasion de l’un de ces voyages : https://www.laboutiquejeparraine.com/product-page/dvd-retour-en-ethiopie.

4. Les autorités éthiopiennes, ayant aussi pris conscience de l’existence d’adoption d’enfants non orphelins, ont progressivement fait évoluer les procédures d’adoption : obligation à la personne ayant confié un enfant aux services sociaux (ou plutôt au kébélé) de témoigner au tribunal d’Addis-Abeba pour confirmer ses dires, présence des familles adoptives au jugement d’adoption à Addis-Abeba, réduction drastique du nombre de dossier traités pour assurer un contrôle plus attentif, nouvelle loi sur l’adoption présentant l’adoption internationale comme le dernier recours après avoir épuisé toutes les solutions locales…

5. ERM, en tant qu’organisme étranger en Éthiopie n’est pas autorisé à enquêter pour vérifier l’adoptabilité des enfants, laquelle est une décision qui relève exclusivement des autorités du pays d’origine. C’est une réalité de l’adoption internationale.

6. Dans ce contexte, ERM toujours soucieux de considérer que l’adoption est une famille pour un enfant, et non un enfant pour une famille, devant le nombre immense d’enfants éthiopiens sans solution dans leur propre pays (plusieurs millions d’après l’UNICEF), a continué de mener des adoptions tout en sollicitant ses donateurs pour amplifier les parrainages par son association sœur ARM. C’est ainsi que le site internet « JeParraine.com » a été lancés en 2003 et qu’ARM a été reconnue d’utilité publique en 2007.

7. En tant qu’Organisme Autorisé pour l’Adoption (OAA), habilité par le Ministère des Affaires Étrangères, chaque adoption par ERM fait l’objet d’un contrôle étroit par la MAI (Mission de l’Adoption Internationale), service concerné du Ministère. En outre le montant des sommes demandées aux familles pour couvrir les dépenses d’adoptions font l’objet d’un accord de la MAI à qui toute demande de modification doit être faite et justifiée. Les comptes d’ERM sont certifiés par un commissaire aux comptes.

8. Les rapports de suivi que les familles adoptives ont l’obligation d’établir annuellement sont adressés par ERM au ministère éthiopien de la condition féminine. Nous avons découvert que ces rapports sont de fait accessibles aux familles d’origine qui ont sur demande des nouvelles de leurs adoptés. C’est pourquoi il arrive que des familles d’origine aient entre leurs mains des photos des enfants adoptés et les noms français permettant de faire des recherches sur les réseaux sociaux.

9. En 2016, la MAI décide de suspendre les adoptions en Éthiopie. Une reprise de ces adoptions ne serait possible qu’en cas de ratification et de mise en conformité avec la convention de la Haye sur les Droits de l’Enfant. L’Éthiopie, n’ayant pas d’État Civil (de nombreux enfants ne sont pas déclarés à la naissance), une telle ratification n’est envisageable qu’à long terme.

10. En 2018, les députés éthiopiens votent l’interdiction des adoptions par les étrangers, déjà suspendues depuis avril 2017. Cette décision repose sur le constat de mauvais traitements, voire d’actes criminels, dont ont été victimes des adoptés dans leurs familles adoptives. Il semble que de telles situations se soient surtout produites aux États-Unis.

11. En 2019, pour répondre à des demandes de plus en plus fréquentes d’adoptés, ERM a décidé de scanner l’ensemble des dossiers d’adoption (budget 10 000 €), y compris les originaux en amharique. En effet, le volume important de ces dossiers et le fait qu’ERM n’a plus ni salarié ni local, rendait l’accès à tel dossier quasi impossible. ERM tient à disposition leur dossier pour tous les adoptés majeurs sur simple demande, sous la seule réserve de vérifier l’identité du demandeur. Ces dossiers contiennent surtout les actes officiels d’adoption et les informations obtenues sur le passé des enfants au moment de l’adoption déjà communiqués aux parents adoptifs. On y trouve aussi des informations qui auraient pu être recueillies lors des recherches de familles d’origine. Attention, il y a le plus souvent bien peu de chose sur le passé de l’enfant, voir même rien du tout pour les adoptions les plus anciennes.

12. Aujourd’hui, ERM, par téléphone ou par e-mail, se tient à la disposition de tous les adoptés ou de leurs familles pour répondre à leurs questions, les aider à mieux comprendre leur situation et prêter une oreille attentive à leurs blessures éventuelles, voire les orienter vers des services appropriés.

13. ERM a depuis très longtemps aidé des adoptés en demande de leurs racines. À l’heure où ERM cesse ses activités d’adoption, non sans émotion, on continuera à le faire sous une forme à définir. Rappelons que 1722 enfants, dont 1575 en Éthiopie, ont été adoptés par ERM. Nous sommes toujours en mesure de faire des recherches en Éthiopie pour tenter de retrouver des membres de la famille d’origine et/ou vérifier des informations, en particulier celles obtenues par les réseaux sociaux. Nous le faisons gratuitement, chacun étant libre de contribuer ensuite aux dépenses engagées sur place par une cotisation ou un don. Malheureusement la situation sanitaire et politique actuelle en Éthiopie est un obstacle à certaines recherches. Nous pouvons aussi conseiller ceux qui souhaitent faire un voyage en Éthiopie à la recherche de leurs racines.

François Vivier, président
Les Enfants de Reine de Miséricorde, Organisme Autorisé pour l’Adoption
Contact : contact@jadopte.fr – 02 44 84 45 46
Siège social : chez Valérie Remande, 12 Village Pimont, 50 320 St Jean des Champs

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